Ross Geller de Friends était-il un red flag ambulant ?
La série « Friends sous le microscope ». Article 1/5
Le paradoxe en pantoufles qui nous a tous échappé
Imagine-toi swiper sur Tinder un mardi soir de canicule, ton Popsicle à moitié fondu dans une main, ton téléphone dans l’autre. Et là, BAM! Ross Geller. Un paléontologue diplômé, père impliqué, qui a les yeux humides devant Bambi et vous écrit des poèmes en alexandrins. Le catch parfait, non ?
Spoiler : Après trois dates pis un brunch awkward au Cora, tu le bloques pis, tu racontes à tes amis comment t’as failli tomber dans le piège d’un champion olympique de la manipulation affective.
💡 Fun fact : Ross Geller, le « gentil garçon » romantique des années 90, coche aujourd’hui pratiquement toutes les cases du manuel du « red flag ambulant ».
Comment est-ce possible ? Comment un personnage qu’on trouvait attachant il y a 25 ans nous fait-il aujourd’hui grincer des dents ? Alerte divulgâcheur : Ce n’est pas Ross qui a changé, c’est nous.
Retour dans les années 90 : quand un gars qui pleurait devenait un sex-symbol
Le contexte de l’époque
Pour comprendre le phénomène Ross, il faut replonger dans les années VHS. À cette époque, la masculinité traditionnelle était en pleine crise existentielle. Les mouvements féministes des décennies précédentes avaient sérieusement ébranlé les codes, et les hommes cherchaient désespérément un nouveau modèle.
Les « hommes sensibles » devenaient les nouveaux chevaliers modernes.
- ✅ Il pleure (révolutionnaire pour l’époque)
- ✅ Il parle de ses sentiments
- ✅ Il s’investit dans l’éducation de ses enfants
- ✅ Il respecte les femmes (en théorie)
Ross cochait toutes ces cases. Un intellectuel qui collectionnait les dinosaures avec passion, qui fondait en larmes devant un film d’animation, qui adorait son fils Ben et sa fille Emma… Le portrait tout droit sorti du manuel du « nice guy » post-féministe.
Mais voilà le twist : pendant qu’on criait au romantisme, certaines bêtes pas très nobles se cachaient dans l’armure brillante du gars gentil.
Masculinité hégémonique 101 : ou comment dominer avec une larme à l’œil
La sociologue australienne Raewyn Connell a théorisé dès 1995 le concept de « masculinité hégémonique » aka : comment continuer à dominer sans avoir l’air d’un macho de taverne.
Selon ses recherches, il s’agit de pratiques sociales qui visent à :
« […] légitimer d’un point de vue idéologique la subordination des femmes à l’égard des hommes. »
Ce cadre théorique permet de comprendre comment un homme, sous ses airs de « gentil garçon », peut exercer un contrôle émotionnel et un pouvoir sur une femme, tout en demeurant socialement valorisé. Plus besoin de muscles ou d’autorité patriarcale à l’ancienne : place à la manipulation douce, à la victimisation calibrée, au chantage affectif sur fond de violon…
Ça vous rappelle quelqu’un ? 🤔
Ross : le gentil garçon ou le loup déguisé ?
L’illusion parfaite
Sur papier, Ross est irréprochable :
- Scientifique respecté ✅
- Père aimant ✅
- Ami loyal ✅
- Romantique incurable ✅
La réalité sous le vernis
Mais regardons d’un peu plus près.
Ross, c’est aussi :
- La jalousie maladive : Se pointe au travail de Rachel pour « surveiller » Mark
- La manipulation émotionnelle : Retourne chaque situation à son avantage
- Le double standard : Ses émotions sont légitimes, celles des autres sont de l’hystérie
- L’incapacité à assumer : Attend un pardon immédiat après chaque erreur

🚩 Red flag alert taille Costco : Un gars qui débarque sans prévenir sur votre lieu de travail parce qu’il est jaloux de votre collègue ? Aujourd’hui, on appelle ça du harcèlement, pas de l’amour.
Dans les années 90, beaucoup de comportements qu’on identifie aujourd’hui comme des red flags étaient romantisés :
Comportement | Années 90 | Aujourd’hui |
Jalousie excessive | « Il tient à moi ❤️ » | « Il m’étouffe 🚩 » |
Surveillance | « Il est attentionné ❤️ » | « Il me stalk, me contrôle 🚩 » |
Chantage affectif | « Il est sensible ❤️ » | « Il me manipule 🚩 » |
Pourquoi on n’a rien vu venir à l’époque
Parce qu’à l’époque, on trouvait ça « cute ». C’était la normalisation des comportements toxiques.
La culture pop nous a fait croire que la jalousie, c’était de la passion ; que la surveillance, c’était de la protection ; que la manipulation, c’était de la profondeur émotionnelle.
L’évolution de notre conscience
Ce qui a changé depuis :
- #MeToo et la libération de la parole
- Démocratisation de la psychologie : on connaît maintenant le gaslighting, le love bombing, etc.
- Réseaux sociaux : les red flags sont devenus viraux
- Nouvelle génération : des attentes relationnelles plus saines
Ce que ça dit de notre évolution collective
Notre capacité actuelle à décoder les manipulations de Ross révèle un progrès social majeur. On a développé un vocabulaire pour nommer ce qui nous dérangeait. Et surtout, on a arrêté de confondre larmes de crocodile et vulnérabilité.
Ross Geller n’est pas devenu toxique.
On a juste appris à reconnaître la toxicité quand elle se cache derrière un sourire et un diplôme universitaire.

💭 Matière à réflexion : Si on peut désormais identifier les red flags de Ross, combien de « Ross » modernes évoluent encore autour de nous sans qu’on s’en rende compte ?
Pour aller plus loin :
-
Prisco, O. HER CAMPUS. Why Ross from Friends is a Walking Red Flag. Her Campus, Lasell University.
Lire l’article sur Her Campus -
THE TAKE. Toxic Takeaways – The Problem With Ross from Friends [Vidéo]. YouTube.
Regarder la vidéo sur YouTube -
Singh, H. (2024, octobre). Was Ross Geller the Real Villain in Friends? Koimoi.
Lire l’article sur Koimoi -
Connell, R. W., & Messerschmidt, J. W. (2015). Faut-il repenser le concept de masculinité hégémonique ? Terrains & Travaux, 2015/2 (n°27), 151-170.
« Le concept de masculinité hégémonique a été utilisé en premier lieu dans les travaux tirés d’une étude de terrain portant sur les inégalités au sein d’un lycée australien ».
Lire l’article PDF sur Cairn
À suivre dans l’épisode 2…
Dans le prochain article, on va disséquer la relation Ross-Rachel avec certains épisodes. Spoiler : c’est encore pire que ce qu’on pensait. Entre surveillance déguisée en amour et chantage émotionnel présenté comme du romantisme, cette relation était une masterclass en manipulation mutuelle. À suivre, avec du pop-corn et les yeux grands ouverts.
Restez branchés pour : « Ross et Rachel : la relation toxique qu’on trouvait romantique »
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Aviez-vous remarqué ces comportements à l’époque ?
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